In : S. Mauné, M. Genin (dir.), Du Rhône aux Pyrénées : Aspects de la vie matérielle en Gaule Narbonnaise (fin Ier s. av. - VIe s.
ap. J.-C.) (Archéol. et Hist. Romaine, 15), Montagnac 2006, 201-226.
Consommation et approvisionnement culinaires
dans la région de Béziers au IIIe s. :
l’exemple de la villa de Lieussac (Montagnac, Hérault) 1
S. Mauné*, M. Feugère*,
V. Forest**, † F. Brien-Poitevin
Résumé
Avec 1799 fragments de céramique, quelques objets de
la vie quotidienne, des résidus alimentaires variés (faune
et coquillages), le dépotoir fouillé dans une pièce de la
villa gallo-romaine de Lieussac, à Montagnac (Hérault)
constitue un ensemble représentatif de la culture matérielle du Languedoc central au IIIe s., à une période que l’analyse céramologique et l’exploitation de l’ensemble des
données disponibles permet de préciser : sans doute entre
230/250 ap. J.-C. et la fin du siècle. Tout en permettant de
compléter notre connaissance de quelques productions
locales encore mal connues, cet ensemble rural met en
évidence la relative indépendance régionale, en matière
d’approvisionnement en vaisselle, de cette région pourtant proche de la mer. Les ateliers du Biterrois ont donc
réussi, à cette époque, à conserver un marché local pourtant fortement sollicité par les zones spécialisées dans la
production de masse : vallée du Rhône, Afrique…
1- Introduction
La villa de Lieussac
Situé en Languedoc central (fig. 1), à la limite nordorientale du territoire de la cité de Béziers, le site de
Lieussac2 qui couvre plus d’un hectare et reste occupé du
début du Ier s. av. J.-C. jusque dans le courant du MoyenÂge (XIIe-XIIIe s.), est installé sur le rebord d’un socle
calcaire miocène sur lequel viennent buter les riches alluvions récentes du fleuve Hérault, distant de moins de
600 m (fig. 2). Il se trouve également à proximité immé-
diate d’une très ancienne voie terrestre permettant de
remonter toute la rive gauche de la vallée depuis le littoral et bénéficie donc de conditions agro-économiques très
favorables qui peuvent expliquer la longévité de son occupation.
Connu depuis 1959 grâce à la découverte d’un vase en
bronze étamé à décor en relief daté du IIe s. (Gallia 1962,
624; Demougeot 1969; Depeyrot, Feugère, Gauthier
1986, 135), le site de Lieussac bénéficie depuis une quinzaine d’années de recherches soutenues associant prospections de surface et fouilles de sauvetage. Au début des
années 80, Ch. Pellecuer fouillait un ensemble cultuel et
funéraire alto-médiéval identifié à l’église St-Etienne-deLieussac et zonait une grande partie de l’habitat antique
(Pellecuer 1986). Par la suite, plusieurs prospections nous
ont permis de mesurer l’extension du site et de découvrir
une nécropole du Bas-Empire située à moins de 50 m de
l’habitat. Enfin, à la fin de l’hiver 1994, à la suite de travaux agricoles, une fouille de sauvetage3 extensive de 250
m2 a permis de dégager plusieurs pièces du Haut-Empire
sur lesquelles est venu s’établir au début du IVe s. un
grand bâtiment rural, abandonné à la fin de l’Antiquité
après plusieurs phases de restructurations partielles
(fig. 3). Environ 60 unités stratigraphiques (us) autorisent
à dater les différents faits architecturaux ; le mobilier
retrouvé est abondant, notamment celui recueilli dans le
dépotoir que nous nous proposons d’étudier ici. La présence de nombreux petits objets et la superficie du gisement appuient l’hypothèse selon laquelle nous nous trouverions en présence d’une grande villa, dont la plus grande partie est sans doute aujourd’hui recouverte par une
pinède (Mauné 1998, 387-393).
* UMR 5140 du CNRS, 390 Av. de Pérols, 34970 Lattes.
** INRAP Méditerranée, 12 Rue Régale, 30 000 Nîmes.
F. Brien-Poitevin, décédée en 1995, avait eu la gentillesse de bien vouloir étudier le lot de coquillage de l’ensemble 5030 malgré sa maladie. Nous
avons une pensée émue pour elle et lui dédions cet article.
1 Cet article a été achevé en 1995 et n’a fait l’objet que d’une mise à jour bibliographique et de quelques compléments concernant l’étude de la céramique. Il avait été refusé par le comité de lecture de la RAN en raison de son contenu jugé trop documentaire (!), cette revue préférant, à l’époque,
publier des synthèses à vocation historique. Enfin, l’un des membres du comité de lecture, éminent protohistorien très au fait des questions céramologiques (sic), avait jugé que la présence de sigillée sud-gauloise discréditait la datation proposée. On laissera au lecteur le soin de juger par
lui-même...
2 La plus ancienne mention du toponyme est de l’année 807 (cartulaire de Gellone, p. 5): villam quam vocant lauciacho , F.-R. Hamlin a émis l’hypothèse selon laquelle ce toponyme dériverait du gentilice latin Leoncivs + suffixe -acum..
3 La fouille a été effectuée avec le précieux concours des membres du Club archéologique de Montagnac et Pézenas; elle a bénéficié d’un financement du S.R.A. Languedoc-Roussillon (2000 Frs) ainsi que du soutien logistique de la municipalité de Montagnac. Nous remercions le Service
Régional de l’Archéologie de sa confiance et M. de Virrieu, le propriétaire, pour sa patience.
— 201 —
S. Mauné et al.
Fig. 1 — Localisation du site de Lieussac dans l’actuel département de l’Hérault. Fond de carte I. Bermond 1995.
La proximité de l’oppidum protohistorique d’Aumes et
l’intense occupation de ce secteur dès le début du Ier s. av.
J.-C. permettent de mesurer la densité du peuplement et la
mise en valeur précoce de ce secteur du Biterrois nordoriental4 (Mauné 1995). L’existence, à environ 1800 m, de
l’important établissement antique et médiéval de Pabiran
(Feugère, Rouquette 1985 ; Mauné 1998, 395-396)
confirme les potentialités agricoles de ce terroir situé à la
jonction des coteaux et des riches terres alluviales de la
vallée de l’Hérault. La multiplication des petits habitats
ruraux au cours de la période augustéenne suggère une
accélération du développement économique local et
marque également l’éclatement de l’habitat indigène perché. Cette multiplication du nombre des sites a pu aussi
être alimentée par l’installation de colons italiens liés à la
déduction de la cité de Béziers en 36 av. J.-C., selon un
processus bien connu. Quoiqu’il en soit, cette période
marque le début d’une phase d’occupation du sol d’environ 150 années durant laquelle la densité des établissements ruraux atteint un niveau qui ne sera jamais égalé.
Entre le milieu du IIe s. et la fin du IIIe s., l’abandon de
près de la moitié des habitats ruraux du Biterrois nordoriental plaide en faveur d’une évolution radicale de l’occupation du sol (mutations, crises ?) sans qu’il soit encore possible, dans l’état actuel des recherches, de bien saisir les tenants et aboutissants de ce phénomène apparem-
ment complexe. Qu’il s’agisse de petits établissements de
type ferme ou de grandes villae comme Vareilles à
Paulhan, tous les types d’exploitation sont touchés
(Mauné 1996a) et ce constat est commun à l’ensemble de
la province de Narbonnaise (Fiches 1996).
2- Présentation de l’ensemble
Cet ensemble provient du comblement d’un angle de la
pièce 7 (fig. 3) installée au centre d’une aile vraisemblablement destinée à des usages domestiques et agricoles,
comme l’indique la pièce à sol de béton de tuileau
(PCE005) équipée d’un dispositif d’évacuation de l’eau
situé le long de MR1022. La pièce 7 et l’ensemble de l’aile paraissent avoir été bâtis, en terrasse, dans le courant du
Haut-Empire, à une date impossible à fixer plus précisément dans l’état actuel de la fouille. Sa mise en place, sur
un niveau argilo-limoneux brun, a été effectuée après
décaissement de la pièce, sans doute pour en récupérer le
dallage. Il a livré un important lot de céramiques, des
petits objets, une monnaie et des restes de faune mêlés à
de la terre sombre et grasse dont la texture résulte sans
doute de la décomposition d’éléments organiques. Ce
dépotoir/remblai a été épargné par les socs de charrue, sa
4 Dès le début de l’occupation romaine, on note l’apparition de nouveaux sites ruraux liés à un parcellaire fossile orienté à N. 32°E, rattachable au
cadastre précolonial Béziers B. Tous les futurs grands établissements du secteur, dont Lieussac, sont fondés à cette époque et la plupart restent
occupés jusqu’aux XIIe-XIIIe s.
— 202 —
Consommation et approvisionnement culinaires dans la région de Beziers au IIIe s.
situation en bordure de vigne, contre un talus — en réalité un mur antique recouvert par la végétation — l’ayant
préservé d’une destruction certaine. De plus, il a été scellé par un remblai argilo-sablonneux brun (us 5027), sans
doute contemporain ou tout juste postérieur, complètement stérile si l’on excepte une lèvre de céramique brune
orangée biterroise de type A1 5. Des traces d’enduit peint
rouge sur le mur sud de la pièce (MR002) limitent cet
ancien sol et indiquent clairement que les niveaux de circulation ont disparu. La présence de deux grands blocs en
calcaire coquillier installés de part et d’autre d’un possible
conduit de canalisation pourrait signaler un aménagement
original de type support d’évier ou bac.
Nous décrirons ci-dessous la céramique, qui forme
l’essentiel du mobilier de ce dépotoir, puis les petits objets
et la faune.
35
2
70
Bergerie de Lavagnac
? ?
3
1
1
Castel Sec-Ouest
70
Lieussac
71
N
100m
S. Mauné del. 1997
Fig. 2 — Localisation du site de Lieussac (n°1) sur le fond cadastral avec l’implantation des structures bâties fouillées en 1994, du site funéraire de l’Antiquité tardive repéré à proximité, en prospection (n°2) et du lieu de culte médiéval et du cimetière à inhumation fouillé en 1982 (n°3).Dessin S. Mauné.
5 Tous les numéros d’identification et les noms des céramiques présentées dans cet article sont ceux fournis dans Py 1993.
— 203 —
S. Mauné et al.
PCE 011
MR005
MR004
SB5014
1
MR027
MR033
MR026
PCE 004
?
MR007
MR006
MR030
MR022
MR002
MR023
MR029
FS001
PCE 010
PCE 003
PCE 005
MR024
MR012
MR025
Coupe
MR011
PCE 007
N
MR018
PCE 002
PCE 006
5m
0
MR016
MR013
PCE 001
MR001
MR003
4
3
US 5001
Sol en béton
de tuileau
US 5027
Enduit peint
2
MR014
MR002
MR021
Niveau de circulation
US 5030
0
1m
5m
0
5m
Fig. 3 — Plan des structures fouillées en 1994. 1- Relevé général ; 2- État du Haut-Empire ; 3- État du IVe s. ; 4- Coupe dans la pièce 007 avec localisation de la couche
5030. Relevés et DAO S. Mauné.
3- Le mobilier céramique
Protocole d’étude
Le lot de céramique comprend 1799 fragments correspondant à 194 individus/formes obtenus après remontage
et collage des fragments jointifs. La figure 4 comprend
trois tableaux, le premier présente l’ensemble des données
chiffrées disponibles en distinguant le nombre total des
fragments et le nombre des individus (NMI) par catégorie
céramique ainsi que les pourcentages correspondants. Le
second offre un panorama de la répartition fonctionnelle
des formes de BOB au sein de l’ensemble 5030. Le troisième enfin donne le Nombre Minimum d’Individus et le
pourcentage des différents types de récipients en BOB.
— 204 —
Consommation et approvisionnement culinaires dans la région de Beziers au IIIe s.
Catégorie/type
Sigillée sud-gauloise
Céram. vernis R.pomp.
Céram. à engobe blanc
Céram. Afr. de cuisine
Sigillée claire A
Sigillée claire C
Sigillée claire B/luis.
BOB
Cér. com. oxy./pâte cl.
Céram. com. réduc.
Dont kaolinitique
Dont pâte sableuse
Dont polie micacée
Céram. non tournée
Amphores
Total
Fonction BOB
Tout faire/conserver
Cuire
Recouvrir/présenter
Mélanger/servir/cons.
Verser/Chauffe eau
boire
Fragments
6
1
1
6
1
1
63
868
339
137
78
49
10
72
1495
Lèvres
2
0
1
2
1
0
10
132
20
20
7
3
10
1
1
190
Type
A1/A2
B1/C3
C1
B2/B3/C2/C4
Série F et G
G2
%
17,75%
12,80%
22,70%
24,20%
13,65%
8,30%
Fonds
1
1
0
2
0
2
7
31
12
11
3
4
4
1
1
69
Anses
0
0
0
0
0
0
2+3
19
16
1
1
0
0
1
3
45
Total
9
2
2
10
2
3
85
1050
307
169
89
56
24
3
77
1799
%
0,50%
0,10%
0,10%
0,50%
0,10%
0,15%
4,70%
58,40%
21,50%
9,30%
4,95%
3,10%
1,30%
0,15%
4,28%
100%
NMI
2
1
1
2
1
2
10
132
20
20
7
3
10
1
2
194
%
1%
0,50%
0,50%
1%
0,50%
1%
5,10%
68%
10,30%
10,30%
3,60%
1,50%
5,10%
0,50%
1%
100%
BOB/Type
A1
A2
B1
B2
B3
C1
C2
C3
N.M.I
23
1
9
15
1
30
1
8
%
17%
0,75%
6,80%
11,40%
0,75%
22,70%
0,75%
6%
Type
C4
F1
F3
G1
G2
G3
G4
N.M.I.
15
1
1
1
11
12
3
%
11,30%
0,75%
0,75%
0,75%
8,30%
9%
2,30%
Fig. 4 — Tableaux de comptage des céramiques de l’us 5030. Tabl. 1- comptage général de l’ensemble des catégories mises en évidence ; Tabl. 2- répartition fonctionnelle des différents types de vases en céramique Brune Orangée Biterroise ; Tabl. 3- répartition en Nombre Minimum d’Individus et en pourcentage des différents
types de vases en BOB.
A- La céramique fine
Un premier lot de céramique fine, très réduit, appartient au Haut-Empire (mobilier résiduel). On ne s’étonnera pas d’y trouver de la sigillée sud-gauloise du IIe s.
représentée par 1 fragment et 1 pied de coupelle indéterminée, 1 lèvre et 3 fragments à décor lourd et empâté de
coupe Drag. 37b, 1 lèvre de coupelle Drag. 35/36, 1 grand
fragment de gourde Déch. 63, 1 quart de rond d’assiette
Drag. 15. Enfin, on notera la présence d’un fragment et
d’un fond de plat en céramique à vernis rouge pompéien6.
À elles deux, ces catégories ne représentent que 0,6% des
fragments et moins de 2% des individus du dépotoir,
chiffres qui confirment, s’il le fallait, leur position résiduelle.
Le reste de la vaisselle de table se répartit entre céramique claire peinte, sigillées claires A, C et B-luisante.
- La céramique claire peinte
Ce groupe, mal connu, est représenté par une lèvre de
cruche à bord déversé, à engobe blanche. Un fragment de
panse porte par ailleurs, sur l’engobe blanc, une bande
rouge. Ce récipient est peut être originaire d’un atelier du
Massif Central (la Graufesenque ou Lezoux ?).
Cette catégorie appartient sans conteste à la tranche
chronologique du dépotoir puisqu’elle a été presque systématiquement retrouvée — toujours en faible quantité —
dans des ensembles (dépotoirs principalement) fouillés
dans l’établissement de L’Auribelle-Basse à Pézenas, tous
postérieurs au milieu du IIe s. et antérieurs aux années
250/260 ap. J.-C..
- La sigillée claire A :
La sigillée claire A n’est représentée que par un fragment indéterminé et 1 lèvre d’assiette Hayes 31 (fig. 5,
n°2).
- La sigillée claire C :
La seule forme représentée par deux fonds avec départ
de panse est l’assiette Hayes 50a. Un autre fragment n’a
pu être identifié. La pâte de ce petit lot est fine, bien épurée et adopte une couleur rose orangée et un vernis brillant
orange foncé qui la rattachent sans problème à la catégorie C1, typique des productions les plus anciennes. Cette
catégorie représente 1% des individus et 0,16% des fragments ce qui confirme les données de terrain qui signalent
à la fois la rareté de la claire C dans la moyenne vallée de
l’Hérault et la présence presque exclusive de la grande
coupe Hayes 50 (Mauné 1992, 24).
6 Celui-ci peut aussi bien appartenir à une forme du IIe s. type Goudineau 34 ou 40 qu’à un plat type 41 produit dans la première moitié du IIIe s.
— 205 —
S. Mauné et al.
- La sigillée claire B :
Nous avons regroupé dans cette catégorie les céramiques à pâte calcaire et vernis orange ou brun métallescent que l’on peut rattacher soit à la claire B rhodanienne
(Desbat 1980; 1987) soit à la claire B rutène (Vernhet
1977), soit à des productions extra-régionales encore mal
connues. Ce groupe représente 4,7 % des fragments et 5,1
% des individus. Le dépotoir a livré 51 fragments, 5 fonds
annulaires, 2 fonds plats d’urnes ou cruches, 1 petite anse
à sillon médian — appartenant sans doute à un gobelet G4
ou G5 de la Graufesenque — à pâte orangée rouge ou
beige à vernis orangé et 12 fragments à pâte beige orangée et revêtement brun métallescent. Les individus
(lèvres) se répartissent de la manière suivante :
- 1 profil presque complet de coupe hémisphérique
Desbat 15 (fig. 5, n°3), vernis orange, diamètre 19 cm.
- 1 lèvre de cruche à bord évasé et col étroit (fig. 5,
n°4), attache de l’anse juste sous le bord, vernis orange,
diamètre 5 cm.
- 1 lèvre de cruche du même type (fig. 5, n°5), diamètre
6cm.
- 1 lèvre de cruche à bord légèrement déversé et épaissi, muni d’une rainure (fig. 5, n°6) ; l’engobe est rouge
orangé et montre de très fines particules brillantes de mica
assez abondantes qui permettent d’isoler ce fragment.
Diamètre 10 cm, type Desbat 66 ?
- 1 lèvre déversée de cruche ou urne ovoïde (fig. 5,
n°7), vernis orange, diamètre indéterminé.
- 1 profil presque complet d’urne globulaire Desbat 51
(fig. 5, n°8) à décor excisé, le revêtement orange est assez
brillant et pourrait être rattaché à la tendance pré-luisante.
- 1 profil presque complet d’urne à une anse Desbat
66b (fig. 5, n°9), bord à gorge, décor de points et de
guillochis, vernis brun foncé métallescent.
- 3 boutons de préhension complets, tout à fait identiques ; l’un (fig. 5, n°10) porte un vernis orange brillant
et les deux autres un vernis rouge orangé.
- 1 fragment d’urne ou cruche avec décor de microsillons portant un graffite incisé, hélas incomplet (fig. 5,
n°11). On peut proposer, sans pouvoir l’interpréter, la lecture suivante : […]SMA[T…] (M et A ligaturés, puis
haste verticale d’une consonne, peut-être un T). Le vernis
est brun métallescent.
- 1 profil presque complet d’urne à une anse Desbat 67
(fig. 5, n°12) ; le vernis est brun à reflets métallescents et
la partie supérieure de la panse est couverte de motifs
rapidement exécutés à la pointe sèche (quadrillages,
motifs réticulés).
- 1 lèvre de bol caréné (fig. 5, n°13) à vernis brun
métallescent et pâte beige rosé dure. Ce type est connu à
la Graufesenque entre le milieu du IIe et le milieu du IIIe
s. et correspond à la forme G1a. Cet exemplaire pourrait
donc provenir de l’atelier rutène, hypothèse que ne
contredit pas l’aspect de la pâte. Diamètre 22 cm.
- 1 lèvre de gobelet à col évasé et bord en bourrelet (fig.
5, n°14), pâte grise et vernis noir, cuisson en mode B, diamètre 7 cm.
- 1 lèvre d’urne ou cruche (fig. 5, n°15) à anse à col
cylindrique et bord déversé, pâte calcaire et vernis orangé
peu adhérent.
B- Les autres céramiques
- La Céramique Africaine de Cuisine (CAC)
Assez peu abondante sur les sites de la moyenne vallée
de l’Hérault reconnus en prospection ou fouillés partiellement, cette catégorie ne représente dans l’us 5030 que
0,6% des fragments et 1,5% des individus ce qui est réellement très bas et confirme une évidente rareté des importations africaines dans cette partie du Biterrois. La CAC
comprend 1 fond à pied annulaire de plat Hayes 27
(Hayes 1972), 1 lèvre de plat à cuire Hayes 23b (fig. 5,
n°1), 1 lèvre de couvercle Hayes 196 avec certainement 1
fragment de son petit pied annulaire hélas non jointif, et 6
fragments indéterminés.
- La céramique Brune Orangée Biterroise (BOB)
Les sites gallo-romains reconnus en prospection dans
la moyenne vallée de l’Hérault livrent très souvent des
lots de céramique commune brune orangée biterroise dont
G. Fédière et M. Dodinet avaient mis en évidence la fabrication dans la vallée du Libron (Dodinet 1988). Afin d’affiner ce premier travail et à partir de données rassemblées
sur des sites majeurs comme la villa des Prés-Bas
(Loupian) ou le site d’Embonne au Cap d’Agde, Ch.
Pellecuer et H. Pomarèdes ont proposé en 1991 (Pellecuer
1991) une classification globale reprise en 1993 (Pellecuer 1993) et que nous retiendrons ici, en la corrigeant
lorsque cela nous paraîtra nécessaire. Au début des années
90, l’un de nous a pu localiser un important atelier inédit
— Les Demoiselles-Ouest — sur la commune de Tourbes
(Mauné 1996a), en limite du bassin versant de la Thongue
et de la dépression de l’ancien étang de Pézenas. Cette
découverte permet d’étendre l’aire de production de cette
céramique vers l’Est et donc vers la vallée de l’Hérault.
Le dépotoir 5030 a livré 868 fragments de BOB, les
restes de 132 lèvres, 31 fonds et 19 anses soit un total de
1050 tessons, ce qui représente 58,4% des fragments et
68% des individus (NMI lèvres) recueillis lors de la
fouille. La pâte est dure, sableuse fine légèrement micacée, sa couleur varie de l’orange clair au brun, environ
15% des fragments présentent une couleur sombre. La
patine cendrée est très minoritaire et concerne principalement les couvercles ou les plats à cuire. La répartition par
forme est la suivante (fig. 4, tableau 3) :
- 23 lèvres d’urnes ovoïdes à bord déversé triangulaire
type A1 (fig. 6, n°1).
- 1 lèvre d’urne à col évasé et bord en bourrelet type A2
(fig. 6, n°2).
- 9 lèvres de marmites carénées de type B1 (fig. 6, n°3).
- 15 lèvres de jattes carénées (ou plutôt coupes) à bord
mince biseauté vers l’intérieur, type B2 dont une est à rat-
— 206 —
Consommation et approvisionnement culinaires dans la région de Beziers au IIIe s.
Fig. 5 — Céramique de l’us 5030: africaine de cuisine (1), sigillée claire A (2), sigillée claire B-luisante (3-15). Éch. 1/3. Dessin S. Mauné.
tacher à un exemplaire dont le profil complet a pu être
reconstitué (fig. 6, n°4). La découverte de cette forme
complète permet d’identifier la forme B2 comme une
coupe carénée imitant (Mauné 1996a, 398-400) la forme
Hayes 14a-b (Bonifay 2004, 157-159) et non pas comme
une jatte à usage culinaire, comme cela avait été dans la
typologie de la BOB.
- 1 lèvre de bol ou petite coupe carénée à bord replié
arrondi de type B3 (fig. 6, n°5).
- 30 lèvres de couvercles coniques de type C1 (fig. 6,
n°6, 7 et 8) à bord en amande saillant vers l’extérieur ou
bord épaissi (on notera avec intérêt l’absence de tout
moyen de préhension de type bouton et l’emploi de pieds
annulaires fins).
- 1 lèvre de plat à paroi convexe et bord rentrant de
type C2 (fig. 6, n°9).
- 8 lèvres de plats à cuire évasés (fig. 6, n°10) à bord
replié, en amande ou vertical simple (2) et fond convexe
strié de type C3.
- 1 lèvre de cruche à col étroit et bord en bandeau de
type F1 (fig. 6, n°11).
- 1 lèvre de cruche à col étroit et bord en bourrelet
pincé de type F3 (fig. 6, n°12) avec départ de l’anse.
- 11 lèvres de gobelets ovoïdes à col en bandeau dont 3
portent les traces de l’attache d’une anse ovale, type G2
(fig. 6, n°13).
- 12 lèvres de cruches piriformes à bord déversé en
bourrelet dont 1 exemplaire à moitié complet (fig. 6,
n°14) de type G3.
- 3 lèvres de cruches piriformes à bord déversé triangulaire (?) de type G4 (fig. 6, n°15 et 16).
- 15 lèvres de plats ou assiettes à vasque arrondie et
bord vertical simple, fond plat (fig. 6, n°17 et 18) ; la
forme est la même que celle du plat Hayes 181 en CAC
(Bonifay 2004, 213-215) dont elle pourrait constituer une
imitation qui n’avait pas été individualisée jusqu’à main-
tenant. Nous avons attribué à cette forme le code C4.
- 1 fragment de bec trilobé pouvant appartenir à une
cruche piriforme du type G1, et qui serait donc une
variante de cette forme.
On remarquera l’importante proportion de l’urne A1 et
du couvercle C1, phénomène déjà observé par Ch.
Pellecuer et H. Pomarèdes. La polyvalence de ces deux
formes — la première pouvant être utilisée pour la cuisson mijotée et pour le stockage culinaire, la seconde pouvant recouvrir indifféremment plats, urnes ou marmites —
peut expliquer leur abondance. À elles deux, ces formes
représentent près de 40% du lot. Le deuxième groupe est
constitué par ordre décroissant de la coupe carénée B2
(imitation inédite de la forme Hayes 14), de l’assiette/plat
C4 (imitation inédite de la forme Hayes 181), de la marmite B1, du plat à cuire C3, du gobelet G2 et de la cruche
G3. Les autres formes sont représentées par 1 ou 3 exemplaires seulement et leur présence reste donc presque
anecdotique.
L’examen du second tableau de la figure 4 montre la
cohérence de la répartition fonctionnelle : seules les fonctions verser et boire ont des pourcentages assez faibles
mais nous verrons que celles-ci ont pu être en partie assurées par la céramique à pâte claire. Enfin, les vases à cuire
— sauf si l’on considère que les urnes A1 et A2 sont aussi
utilisées pour la cuisson des aliments, notamment pour les
bouillies ou les soupes — ne représentent que 12,8% des
formes mais ici aussi, cette fonction a pu être assumée par
les récipients en céramique commune réductrice — par
exemple les urnes à pâte kaolinitique réfractaire — dont
certains montrent, à la base de leurs panses, de nettes
traces de suie.
Massivement présente sur les habitats ruraux du
Biterrois aux IIe et IIIe s., la BOB constitue par excellence une catégorie de récipients à tout faire qui présente les
caractéristiques des céramiques communes réductrices
rustiques et réfractaires et des céramiques à pâte claire
— 207 —
S. Mauné et al.
Fig. 6 — Céramique de l’us 5030: brune orangée biterroise (1-18). Éch. 1/3. Dessin S. Mauné.
plus fragiles, inadaptées au feu mais utilisées sur la table.
Son abondance dans le dépotoir 5030 permet d’observer
sa prépondérance dans un vaisselier culinaire et domestique du IIIe s. qui atteste de sa réussite commerciale locale et du dynamisme de l’artisanat céramique biterrois.
- La céramique à pâte claire
Assez bien représenté dans le dépotoir 5030, le groupe
des céramiques à pâte claire se compose uniquement de
fragments à pâte calcaire beige avec quelques nuances de
tons dues sans doute à des degrés de cuisson différents. La
pâte est bien cuite, assez dure, serrée, bien épurée et se rattache aux productions régionales dont une partie est
connue grâce aux fouilles de l’atelier de Sallèles-d’Aude.
On a pu recueillir 339 fragments, 20 lèvres, 12 fonds et 16
anses représentant 21,5% du total des fragments et 10,3%
des individus trouvés dans le dépotoir. Les formes individualisées sont les suivantes :
- 1 lèvre de cruche (fig. 7, n°1) à bord en bandeau droit
et gorge interne, diamètre 9 cm.
- 1 lèvre de cruche (fig. 7, n°2) à bord en bandeau
incurvé (gorge interne ?), diamètre 12 cm.
- 1 lèvre de cruche (fig. 7, n°3) à bord en bandeau
simple, diamètre 9 cm.
- 2 lèvres de cruches à col cylindrique et bord triangulaire (fig. 7, n°4 et 5), diamètre 10 cm.
- 1 lèvre de cruche à col étroit et bord en bandeau (fig.
7, n°6), départ de l’anse à la jonction col/bord, diamètre
4 cm.
- 1 lèvre de cruche à col étroit et bord évasé mouluré à
poulie, diamètre 6 cm (fig. 7, n°7).
- 12 lèvres de cruches à col évasé et bord en bourrelet
(fig. 7, n° 8, 9 et 10 et non ill.) dont 2 avec départ de l’anse collé au rebord et 1 à bourrelet en amande (fig. 7, n°11).
Les diamètres sont compris entre 8 et 11 cm). Un des récipients (fig. 7, n°10) porte vraisemblablement 2 anses collées au rebord.
— 208 —
Consommation et approvisionnement culinaires dans la région de Beziers au IIIe s.
Fig. 7 — Céramique de l’us 5030: céramique à pâte claire (1-12). Éch. 1/3. Dessin S. Mauné.
- 1 lèvre verticale (fig. 7, n°12) et départ de la panse
incurvé appartenant à une jatte ou à une assiette (imitation
Hayes 181 en CAC ?). Diamètre 18 cm.
Les fonds sont tous annulaires sauf un plat; les anses
sont petites, moyennes (12) ou grandes (2), la plupart à
sillon médian. On peut noter la présence d’une grande
anse plate pouvant appartenir à une grande cruche
(n°12 ?) et de deux anses plates à sillon médian fixées sur
la panse et appartenant à une urne ovoïde.
Comme on peut le constater, la totalité des formes
identifiées appartient à des vases à verser ou à stocker du
liquide, fonction la plus importante de cette catégorie
céramique (Py 1993, 222).
- La céramique commune non tournée (ou «modelée») :
Elle est représentée par une seule urne (type A1 CNTROL, Raynaud 1993a, 331) presque complète (fig. 8,
n°1), à bord déversé simple, fond plat et anse collée sur le
rebord. La pâte est sableuse et micacée, de texture feuilletée, de couleur brune ; l’épiderme est soigneusement poli
et montre de très nombreuses particules de mica. Un
exemplaire tout à fait semblable a été retrouvé dans la
tombe 19 ( IVe s.) de la nécropole de St-Michel à
Montpellier (Majurel 1973, fig. 9, n°27), au Clos de la
Lombarde à Narbonne (Raynaud 1991, 229, fig. 8, n°12,
4 exemplaires), dans une tombe de la Nécropole du
Verdier (Raynaud 1993a, 332) ainsi que dans la tombe 57
de la nécropole des Clapiès (Manniez 1992, 28, fig. 7,
n°5). Sur ce dernier site, la tombe 3 semble avoir reçu un
exemplaire sans anse (Manniez 1987, fig. 3, n°1). Sa présence dans la moyenne vallée de l’Hérault — où c’est la
première fois que nous la mettons en évidence — permet
donc de compléter sa carte de répartition 7 et de mesurer
sa bonne diffusion en Languedoc central. Bien que peu
abondante, elle marque la permanence de la céramique
non tournée dans le vaisselier gallo-romain, phénomène
également observé pour des ensembles de la vallée de
l’Hérault, datés du IIe s. (cf. dans ce volume). Toutefois,
on doit s’interroger sur sa fonction : s’agissait-il — pour
les urnes — de vases à usage culinaire (ou petit stockage/conservation) ou de petits conteneurs, très peu coûteux, utilisés par exemple dans la vente de certains produits (miel, préparations culinaires diverses, charcuterie...?).
- La céramique commune réductrice
Nous avons regroupé dans cette catégorie plusieurs
types de céramiques à cuisson réductrice : céramique kaolinitique, céramique réductrice micacée à épiderme poli ;
enfin, un dernier groupe correspond à une série de récipients à pâte sableuse fine et à panse noircie par le feu.
Ces trois groupes représentent respectivement — % par
rapport au nombre total de fragments et par rapport au
nombre total d’individus — 4,95 et 3,6% ; 1,33 et 5,15%
; 3,1 et 1,5%. Si l’on rassemble ces pourcentages on
obtient pour l’ensemble du dépotoir 9,4% des fragments
et 10% des individus.
La céramique de type kaolinitique :
Le dépotoir a livré 78 fragments, 7 lèvres, 3 fonds plats
et 1 manche de poêle collé à sa lèvre. Les parois des récipients sont assez fines, la pâte est dure, sonnante, de couleur gris anthracite avec des reflets bleus. Les formes
7 L’us 5074 a livré un abondant mobilier daté entre les années 370 et 450 parmi lequel on peut noter la présence d’une lèvre de plat C1 à bord arron-
di. Deux plats modelé du même type ont été découverts (l’une dans une tombe du IIIe s, l’autre hors contexte) sur la nécropole à inhumation du
Mas de Garric à Mèze (Hérault) et dans une autre sépulture inédite (postérieure au milieu du IIIe s.) de la nécropole de St-Martin située sur la
même commune (Rouquette 1987, 192). Cette forme a égalemment été mise en évidence à Narbonne au Clos de la Lombade (Raynaud 1991, 229,
fig. 8, n°13 et 14, 22 exemplaires). Sur la nécropole des Clapiès à Villeneuve-lès-Béziers, cette forme est présente dans 12 sépultures (Manniez
1992, 28). Enfin, un petit habitat rural (IVe-Ve s.) découvert récemment sur la commune de St-Pargoire en a livré un fond et trois fragments indéterminés (au moins deux individus).
— 209 —
S. Mauné et al.
observées, mise à part la poêle, appartiennent toutes à des
urnes ; c’est en tout cas ce que tendraient à montrer l’absence d’anse et la morphologie des lèvres. Nous avons
individualisé les vases suivants :
- 1 lèvre d’urne (fig. 8, n°2) à panse ovoïde et bord en
bourrelet arrondi, diamètre 15 cm, des exemplaires similaires (période 7) ont été mis au jour dans les fouilles du
Sablas à Ambrussum (Fiches 1989, 115, fig. 73, 3 et 5).
- 2 lèvres d’urnes (fig. 8, n°3 et 4) à bord divergent
épaissis ; on rapprochera ces exemplaires des urnes A8 de
la première moitié du IIIe s. (Meffre 1993).
- 1 lèvre d’urne (fig. 8, n°5) à panse ovoïde et bord
épaissi massif.
- 2 lèvres de petites urnes à bord divergent légèrement
épaissi (fig. 8, n° 6 et 7).
- 1 manche attaché à sa lèvre, d’une poêle à paroi évasée et bord simple épaissi (fig. 8, n° 8).
La céramique commune sableuse fine à épiderme noirci :
Elle rassemble 49 fragments, 1 fond plat d’urne et 3
lèvres d’urnes ovoïdes ou globulaires à bord déversé
simple dont une porte une gouttière, et 2 pieds coniques
de marmite tripode. Tous les fragments ont vraisemblablement subi, lors de leur utilisation, un contact direct
avec les flammes ou une chaleur intense. La couche de
suie présente à leur surface, même après lavage, ainsi que
la typologie du répertoire utilisé confirment en tout cas
une utilisation culinaire.
- La céramique polie micacée (Mauné 1996c) :
Lors de l’étude du mobilier du dépotoir 5030, un groupe de récipients jusqu’alors inconnu dans le secteur de la
moyenne vallée de l’Hérault a pu être individualisé. La
pâte est de couleur gris souris, dure et serrée, sableuse fine
à fin dégraissant de particules de mica. L’épiderme est
poli, ce qui accentue l’aspect brillant du mica, de couleur
noire ou grise et ce traitement concerne les parties
externes et internes sauf pour quelques exemplaires qui ne
sont polis que sur la face externe. Ces caractéristiques et
la morphologie des vases rapprochent cette série de la
céramique commune oxydante à engobe micacé produite
entre le milieu du IIe s. et le tout début du Ve s. et récem-
Fig. 8 — Céramique de l’us 5030 : commune réductrice non tournée (1) et tournée (2-14). Éch. 1/3. Dessin S. Mauné.
— 210 —
Consommation et approvisionnement culinaires dans la région de Beziers au IIIe s.
ment étudiée de manière synthétique (Raynaud 1993b,
340). On a pu individualiser les formes suivantes :
- Plats à panse convexe et bord légèrement rentrant ou
vertical de type C1. Le premier exemplaire (fig. 8, n°9) est
de couleur grise ; sa pâte est riche en mica, le polissage
concerne l’ensemble du récipient. Le deuxième plat (fig.
8, n°10) est noir, le mica est tout aussi abondant et le
polissage concerne l’intérieur et l’extérieur. Enfin, 3
lèvres d’exemplaires identiques au n°10 complètent ce
lot.
- Plat tronconique de type C2 (fig. 8, n°11) à fond légèrement bombé (plat à cuire ?) et bord épaissi, polissage
interne et externe, épiderme noir, abondant mica ; cette
forme est pratiquement identique au plat à cuire C4 en
céramique commune micacée.
- Plat tronconique de type C3 (fig. 8, n°12), à fond plat
et lèvre mince biseautée à l’extérieur ; épiderme gris, mica
abondant. Le polissage concerne l’ensemble du récipient.
Ce plat est identique à la série C1 individualisée dans les
catégories kaolinitique, sableuse du Languedoc-oriental et
à point de chaux définies dans Lattara 6 et produites du Ier
s. à la fin du IIIe s.
- Plat à profil légèrement arrondi (fig. 8, n°13), fond
plat, bord convergent à lèvre arrondie, épiderme gris,
polissage peu visible, assez peu de mica ; variante de la
forme précédente ?
- Grands bols carénés de type B1 à paroi convergente
et lèvre épaissie et redressée (deux exemplaires identiques ; fig. 8, n°14 et non ill.), l’un est gris clair, le mica
est peu abondant, le polissage a été effectué à l’extérieur;
le deuxième est gris anthracite, le mica est très peu abondant, le polissage concerne l’extérieur du vase. Enfin, 1
fragment d’une carène de même type et six fragments de
panse appartiennent à un exemplaire plus petit. On notera
une certaine similitude de forme avec les bols carénés G2
en sigillée claire B produits à la Graufesenque entre le
milieu du IIe et le milieu du IIIe s. (Vernhet 1977, fig. 1,
n°6) et toute une série de vases présents dans des
ensembles régionaux des IIIe et IVe s. Les caractéristiques
technologiques et la typologie des formes C1, C2 et C3 les
rattachent sans problème à la catégorie des patinae ; plats
utilisés aussi bien pour la cuisson des plats mijotés que
pour la fabrication de galettes ou de pains.
Ces plats ont été observés, en prospection, sur une
quinzaine d’établissements ruraux de la moyenne vallée
de l’Hérault, tous occupés au IIIe s. mais également dans
les niveaux les plus récents fouillés en 1999 sur la villa de
Vareilles à Paulhan, datés de la seconde moitié du IIe s. et
du premier tiers du IIIe s.
- Les amphores
Le mobilier amphorique est très peu abondant puisqu’il
constitue seulement 4,28% du total des fragments et 1%
des individus. Les restes d’au moins 2 amphores
Gauloises 4 (Laubenheimer 1985) à pâte calcaire beige
dont subsistent 45 fragments, 1 lèvre et 3 anses ont pu être
individualisés. Le reste du mobilier appartient à des
amphores vraisemblablement africaines (2 individus
représentés par 14 fragments à pâte rouge ) et sans doute
espagnoles (2 individus représentés par 13 fragments et 1
fond à pâte sableuse fine avec inclusion de points blanc)
dont aucun élément caractéristique n’est conservé (Dr. 20
de Bétique, très probable). Cette rareté des amphores
appuie l’hypothèse selon laquelle nous serions en présence d’un remblai/dépotoir relevant d’une cuisine plutôt que
d’une réserve8.
Conclusion sur la céramique
Chronologie
Le terminus post quem de ce dépotoir est fourni par les
deux fonds de coupe Hayes 50a en sigillée claire C, forme
produite et diffusée à partir des années 220/230 (Hayes
1972, 73). La date d’apparition précoce de ce type de
céramique en Languedoc durant le second quart du IIIe s.
(Fiches 1989, 60) permet de valider cette datation. L’urne
en céramique non tournée, dont un exemplaire a été trouvé dans une tombe de la nécropole du Verdier datée des
années 250-350 ne peut fournir un terminus fiable ; tout
au plus confirme-t-elle que nous nous trouvons bien vers
le milieu du IIIe s.
Les céramiques africaines Hayes 23b et 27 seraient
produites jusque dans les années 220, le couvercle Hayes
196 et la coupe en claire A Hayes 31 jusque vers le milieu
du IIIe s. mais l’on sait toutes les incertitudes qui pèsent
sur la date de disparition effective de ce type de céramique
qui perdure parfois très tardivement (par exemple
Bourgeois, Mayet 1991, 246 et 248, Bonifay 2004, 211212). La série de récipients en sigillée claire B appartient
sans conteste au plein IIIe s. (formes Desbat 66b, 67 et
15). Les céramiques à pâte claire et communes réductrices
n’apportent pas de précision chronologique ; on notera
cependant que les plats et assiettes en commune réductrice polie micacée connaissent des parallèles entre les
années 25 et 300, dans les catégories kaolinitique, sableuse du Languedoc oriental et à points de chaux. La BOB,
qui constitue la plus importante catégorie céramique du
dépotoir est connue en stratigraphie jusque vers le début
du IVe s.
Avec si peu d’éléments de datation, il paraît difficile de
proposer une fourchette chronologique resserrée pour la
8 A St-Romain-en-Gal (Leblanc 1992, 128), dans un dépotoir du début du IIIe s. les amphores représentent 14, 9% des fragments et 11% des indivi-
dus (y compris un bouchon), les auteurs interprètent ces chiffres comme un argument en faveur de la proximité d’une réserve utilisée pour les
besoins quotidiens en vin, huile et garum.
— 211 —
S. Mauné et al.
mise en place de ce dépotoir ; nous l’avions initialement
fixée entre les années 230 et 250/260 mais il semble plus
prudent aujourd’hui et dans l’état actuel des connaissances, d’élargir cette proposition à toute la seconde moitié du IIIe s. En définitive, il semble que le dépotoir 5030
ait été constitué entre les années 230 et le dernier quart du
IIIe s.
Composition et faciès du lot céramique
Cet ensemble a livré 1799 fragments de céramique
parmi lesquels on a pu individualiser un nombre minimal
d’individus de 194 récipients. L’apport principal de cette
étude concerne la céramique Brune Orangée Biterroise.
L’inventaire montre en effet qu’avec plus des deux tiers
des individus, elle occupe une place prépondérante. La
mise en évidence d’une nouvelle forme de plat — copie
de la forme africaine de cuisine Hayes 181 présente à 15
exemplaires — permet de compléter utilement le catalogue des formes (Pellecuer 1993) et confirme l’importance des imitations africaines au sein du répertoire de
cette céramique régionale. Une seconde imitation inédite,
celle de la coupe carénée Hayes 14 rend compte de l’existence de copies régionales de sigillée claire A. La place de
la BOB au sein de cet ensemble s’explique sans doute par
la polyvalence, voire l’universalité de son répertoire mais
également par la proximité des centres de productions
situés à moins de 15 km 9.
Pour ce qui concerne la céramique fine, la présente
étude confirme des observations effectuées en prospection
de surface sur des habitats de la moyenne vallée de
l’Hérault occupés au IIIe s. Les sigillées claires rhodaniennes ou dérivées à pâte calcaire engobée sont assez peu
représentées (moins de 7% des individus) et ne constituent qu’une très petite partie du vaisselier en usage à
Lieussac10. On doit aussi noter la part relativement importante (10%) prise par la céramique à pâte claire, utilisée
sur la table. Les céramiques communes réductrices sont
presque exclusivement destinées à la cuisson (urnes et
poêle, plats) et viennent sans doute compléter les plats C1,
C4, les marmites B1 et peut-être les urnes A1 en BOB.
Les amphores sont très peu représentées, pour des raisons déjà exposées. La diversité de leur origine est en tout
cas intéressante à souligner : régionale (vin), africaine
(vin ?) et espagnole (huile).
La presque totalité des récipients mis au jour à
Lieussac dans la pièce 007 provient d’ateliers régionaux
ou situés en Narbonnaise. Malgré la proximité du littoral
(moins de 20 km), les produits céramiques d’origine plus
lointaine ne sont que très faiblement attestés. Cette situation est vraisemblablement à mettre au compte d’un artisanat local et régional très développé11 qui, depuis la fin
de la période augustéenne mais surtout durant l’époque
flavienne, assure aux consommateurs locaux, un choix de
produits diversifiés, d’assez bonne qualité, dont le prix de
vente n’était pas affecté par le coût du transpor.
4 - Les monnaies
Le dépotoir a livré deux monnaies, aimablement déterminées par G. Depeyrot :
1• Denier, Rome, 202-210 ap. J.-C.
inv. 994.37.2;
A/ SEVERVS - PIVS AVG
R/ LIBERALITAS AVG VI
3,70; RIC 278a
2• Bronze illisible
inv. 994.37.1; 2,56.
4. Le petit mobilier
Il comprend comme à l’ordinaire des objets très divers,
abandonnés avec les ordures ménagères ou oubliés avec
du mobilier de rebut dans un endroit ultérieurement nettoyé. Comme toujours en pareil cas, on y retrouve des
objets brisés mais aussi des pièces relativement bien
conservées et donc associées par mégarde au mobilier
volontairement jeté.
Protocole d’étude
L’étude récente des petits objets tendant à privilégier
les catégories fonctionnelles sur l’approche plus traditionnelle par matériau, nous présentons ici le catalogue commenté en trois grandes sections : objets personnels (parure, toilette…); la maison et son ameublement; les activités
(notamment agricoles). Les numéros correspondent à l’inventaire de la Maison du Patrimoine de Montagnac, où ce
mobilier est actuellement conservé.
1/ Objets personnels (fig. 9)
1-2. Deux épingles en os, type A.XX.8 12 (994.37.23 et
—24); L. 86; L. act. 43 mm;
3-4. Deux épingles en os (994.38.8 et —9); L. act.
59 mm; avec sa tête conique séparée du fût par une large
9 De ce point de vue, on peut rapprocher cette observation des travaux de J.-Cl. Meffre dans le Vaucluse qui ont montré, notamment pour le dépotoir
des Fouquesses (Meffre 1987, 378), que la céramique à pâte kaolinitique fabriquée dans des ateliers locaux était un produit majoritaire au sein des
vaisseliers de ce secteur.
10 Au Sablas (période VII, Fiches 1989, 60), la sigillée claire B/luisante représente 9,16% des tessons de céramiques fines et communes et 7% du total
des tessons (4,71% des tessons et 5,1% des formes à Lieussac), à St-Roman-en-Gal, le pourcentage est très bas malgré la relative proximité des
centres de production : 1,3% des tessons et 3,2% des individus.
11 Les inventaires archéologiques menés depuis plusieurs années dans la moyenne vallée de l’Hérault et au nord de Béziers ont permis d’inventorier
et d’étudier une vingtaine d’officines dont près de la moitié a produit des amphores, des céramiques à pâte claire et parfois de la BOB. On citera
en dernier lieu l’atelier de Soumaltre à Aspiran (Ginouvez, Mauné 1996) où la fouille de l’officine (3 fours, 1 bâtiment) a permis de mettre en évidence une production de tegulae, d’imbrices et de céramique à pâte claire. La réussite de la viticulture locale au cours du Haut-Empire, la proximité d’abondante matière première, la présence de voies de communication de première importance (voie domitienne au sud, voie Cessero-LutevaCondatomagus-Segodunum, fleuve Hérault) et l’intense occupation du sol expliquent l’ampleur de ce développement (Mauné 1998, 202-206 ;
Mauné 2001).
12 Le classement des objets en os suit la nomenclature proposée par Béal 1983 ; Béal 1984.
— 212 —
Consommation et approvisionnement culinaires dans la région de Beziers au IIIe s.
Fig. 9 — Petits objets personnels de l’us 5030 : en os (1-5, 12 et 14), en bronze (10, 11, 15).... Éch. 2/3.
gorge, et son décor de losanges finement incisés, la première représente une nouvelle variante du type A.XX.13,
modèle défini à Lyon mais dont une forme nouvelle a déjà
été rencontrée à Nîmes (on peut considérer ce type de
décor comme une influence des épingles en bronze
(Ruprechtsberger 1978, n°374, 376-78); la seconde est
brisée à la base de la tête et ne peut donc être classée.
5. Fût de fine épingle en os, peut-être type A.XX.6
(994.37.28), L. act. 37 mm;
6-9. 4 fragments de fûts et une pointe d’épingle ou d’aiguille en os, L. act. 69, 41, 24, 18 et 16 mm, non ill.
10. Bague en bronze, ouverte, à extrémités en forme de
têtes de serpents affrontées (994.37.20); L. act. 18 mm;
seule une extrémité est conservée; il s’agit d’un modèle
courant aux premiers siècles de notre ère (Guiraud 1975;
Riha 1990, type 18).
11. Grelot en tôle de bronze (994.36.2), Ø env. 23 mm;
cet objet présente les caractéristiques des grelots que l’on
accrochait au Moyen-Age, en particulier au XIIIe s., au
cou des furets utilisés pour la chasse aux lapins. Il s’agit
donc d’une intrusion post-antique.
12. Cuiller à parfum en os, type Béal A.XXIV.2a
(994.38.10), L. act. 66 mm;
13. Fragment de cuiller à parfum en os, même type
(994.37.26), L. act. 77 mm;
14. Sommet d’un objet mouluré en os (994.37.25), L.
act. 24 mm; objet non tourné, peut-être un fragment de
tête d’épingle ?
15. Bouton circulaire émaillé, en bronze (994.37.18),
Ø 19 mm; pourtour finement guilloché; couronne externe
avec disques inclus dans de l’émail, disparu (traces
d’émail rouge), comme le décor du disque central; la couronne externe faisait probablement appel à de petits carrés
de couleur inclus dans l’émail du fond. La fonction de tels
boutons, assez fréquemment attestés sur les sites régio-
naux (à Nîmes, vers 70-180 : Feugère 1993, fig. 257,
n°146), mais toujours en faible quantité, demeure incertaine. Certains exemplaires comportent au revers le bouton caractéristique d’un support en cuir (ibid., fig. 256,
n°116), d’autres comme ici sont pourvus d’une simple
tige effilée. L’émail empêchant d’y voir des décors de
meuble, on peut préférer les classer parmi les ornements
personnels.
16. Valve de pecten percée (994.38.7), L. 59 mm; provenant d’un coquillage qui fait partie de l’alimentation
courante sur les sites des environs, notamment aux IIIeIVe s. ; cette valve a été percée d’un trou obtenu par percussion à partir de l’intérieur; il ne s’agit donc pas d’une
perforation due à un parasite et à l’instar des insignes de
pèlerins médiévaux, cet objet doit avoir été utilisé comme
parure vestimentaire.
2/ La maison et son ameublement (fig. 10)
17-19. Trois fragments de verre à vitre, verre incolore,
ép. 2 et 3,5 mm, non ill.
20. Fragment de charnière en os, type A.XI.2
(994.37.22), L. 33, Ø 26 mm. Si la découverte de tels
charnons est banale en contexte urbain, les trouvailles
rurales demeurent rarissimes. Ces charnières composites
témoignent en effet de la présence de meubles soignés,
non pas des coffrets comme on l’a longtemps supposé,
mais des pièces d’ameublement plus importantes tels
qu’armoire, buffet…, etc. Il s’agit donc de témoins des
aspects urbains de la villa rurale, aspects certainement liés
au mode de vie du propriétaire. Le caractère isolé de cet
objet peut s’expliquer par le fait que la fouille n’ait
concerné ici qu’un secteur de la pars rustica.
21. Clé en fer (994.37.13);
22-23. Deux fragments de lampes du Haut-Empire
(994.37.15 et —16); le premier (L. act. 58 mm) corres-
— 213 —
S. Mauné et al.
datée. Tout en mentionnant une découverte peu
éloignée de Javols (Peyre 1979, 83 et pl. XXVII,
1), on peut rapprocher les broches de Montagnac
d’un exemplaire trouvé dans la Saône, probablement lui aussi du Haut-Empire (Déchelette 1913,
231 et pl. XLI, au centre), ainsi que d’une paire de
broches de 60cm de long environ, provenant du
vicus gallo-romain de Vertault en Côte-d’Or
(Munoz 1994, 62-63, fig. 6)14. Il est certain que
l’identification de pièces fragmentées demeure difficile (par exemple : Feugère et al. 1992, n° 83 ?).
27. Crochet en fer, L. act. 73 mm; modèle de
suspension courante (Hübener 1973, pl. 22, n° 1124; Manning 1985, pl. 59, R.23-24).
28. Patte de fixation en fer, L. act. 106 mm; tige
de section rectangulaire, coudée à angle droit et
pourvue d’une pointe effilée permettant de la fixer
au mur.
29. Piton de fixation, ou gond, en fer, non ill. :
tige repliée sur elle-même pour former une boucle.
30. Demi-maillon (?) de chaîne en fer, L. act.
38 mm, non ill.
31. Anneau ouvert en fer, Ø 40 mm, non ill.
32. Anneau épais en fer, Ø 22, ép. 19 mm, non
Fig. 10 — Petits objets de l’us 5030 concernant la maison et son ameublement : en os (20), ill.
en fer (21, 25-28), en terre cuite (22, 23) et en bronze (24, 34) (les n°21, 25 et 26 sont actuel33. Plaque carrée en fer, percée d’un gros trou au
lement en cours de restauration au RGZM, Mayence). Éch. 2/3, sauf pour les n°25 et 26.
centre, dim. 52 x 45 mm, non ill.
34. Plaque carrée en bronze, 4 clous en fer aux
angles (994.37.21), dim. 33 x 30 mm.
pond au médaillon d’une lampe en terre rouge, non engobée, ornée de deux feuilles de chêne verticales posées à
35-36. Deux fragments de plaques de plomb avec
traces de découpes au tranchet, et trois autres coulures
plat (moulage très défectueux); le second (L. act. 50 mm)
informes; sur un habitat rural antique, le plomb connaît
représente l’extrémité d’un autre exemplaire, à bec rond,
des usages multiples, dont témoignent ici les traces d’outype Dressel 20 (Deneauve VIIA; Ponsich IIIB1; Walters
tils et plusieurs accessoires de la vie quotidienne (v. infra).
95); le marli est orné d’une rangée d’oves.
37. Sorte de gouttière en plomb coulé (994.36.3), L. 68
24. Poucier de cruche à couvercle trilobé, en forme de
mm, non ill.; coulée directement sur le support rugueux,
dauphin à queue redressée (994.37.19), L. 32 mm. Ce type
cette gouttière épaisse se distingue des fragments repliés,
de poucier caractérise le couvercle de cruches en tôle
plus légers, qui ont quelquefois servi de lest aux filets (v.
(«Blechkannen»), fréquentes dans les contextes occideninfra la forme habituelle de ces lests).
taux du Ier s. (par exemple à Vindonissa : Holliger 1986,
n°172 et p. 40) au IIIe s. (Feugère 1994, 152-155, n°3538-62. Vingt cinq clous en fer, non ill. (type usuel pour
37) et même au-delà (dépôt d’Apt par exemple).
assemblage).
25-26. Deux broches à rôtir en fer (994.37.11 et 12).
63. Clou en fer à grosse tête, non ill.; modèle convenant
L’une d’elles, longue de 76 cm, est complète, l’autre a été
à la fixation d’une penture de porte.
brisée par la corrosion (47 + 24,5 cm) mais demeure rela3/ Activités agricoles et autres (fig. 11)
tivement bien conservée. Ces objets sont caractérisés par
64. Hache polie en roche verte (994.36.1), L. 73 mm;
une tige rectiligne et une tête plate losangique pleine, parcet
objet intact est à rapprocher des quelques documents
ticulière aux modèles romains, dans la mesure où la tête
néolithiques
recueillis sur le site, tant en prospection de
des broches plus anciennes est fréquemment percée pour
13
surface
que
dans différents niveaux remaniés dans
le passage d’un anneau . D’origine gréco-italique,
l’Antiquité
:
céramique
modelée, silex taillés, pendeloque
recherchées par les Gaulois qui appréciaient la viande
à
ailettes…,
vestiges
d’une
occupation préhistorique de la
rôtie, les broches sont néanmoins rarement signalées en
très
légère
butte
naturelle
de
cette basse terrasse, domiGaule romaine, d’où l’intérêt de cette découverte bien
13 Des faisceaux de broches, comportant donc une tête percée, existent toujours à l’époque romaine : cf. par exemple deux broches de Laufenburg
(Rothkegel 1994, pl. 108, n°1175).
14 L’une des broches de Vertault est torsadée à mi-longueur pour faciliter l’accrochage de la viande.
— 214 —
Consommation et approvisionnement culinaires dans la région de Beziers au IIIe s.
Fig. 11 — Petits objets de l’us 5030 relatifs aux activités économiques : pierre (64, 70, 71), plomb (74-77) et bronze (78). Éch. 2/3.
nant l’Hérault, qui a également attiré l’implantation
antique et médiévale. La présence d’une hache polie dans
le dépotoir ne saurait cependant être fortuite, et témoigne
d’un ramassage antique : on sait qu’à l’époque romaine,
les haches préhistoriques pouvaient être réutilisées, par
exemple comme polissoirs. Mais on attribuait surtout à
ces objets une valeur particulière, leur découverte (souvent après un orage) étant considérée comme résultant
d’un impact de la foudre. Les «céraunies», comme on les
appelait, étaient donc recueillies et conservées dans les
maisons, à titre de porte-bonheur, un usage encore très largement répandu dans les campagnes jusqu’à une époque
récente.
65. Fragment d’agrafe de réparation en plomb, L. act.
37 mm, non ill.; l’épaisseur de 30 mm peut correspondre
à la paroi d’un gros vase à provisions ou d’un petit
dolium.
66-69. Quatre fragments d’aiguisoirs en pierre lisse
(994.37.1); v. infra.
70. Aiguisoir (?) en pierre blanche, simple fragment de
galet poli, L. act. 66 mm.
71-72. Aiguisoir (?) en pierre rouge (994.37.8), L. act.
111 mm; autre fragment d’une roche similaire (994.37.7),
L. act. 68 mm; il n’est pas toujours facile de déterminer si
ces objets, comme le précédent, ont été ou non utilisés par
l’homme. Leur identification comme aiguisoirs (?) s’ap-
puie notamment sur leur caractère exogène dans le
contexte géologique local, et leur fonction dans l’entretien
des outils tranchants peut s’appuyer sur des parallèles ethnographiques.
73. Jeton découpé dans la panse d’un vase de terre cuite
(994.38.2), non ill.;
74-77. Quatre plomb de filet (994.37.17; 994.38.4-6),
L. 42, 43, 43 et 44 mm;
78. Hameçon en bronze (994.37.27), L. act. 24 mm;
exemplaire peu douteux, bien qu’ayant perdu à la fois son
dard et le sommet, probablement en empile martelée. Peu
nombreux avant l’époque romaine, les hameçons en bronze sont bien connus localement à partir de l’époque
augustéenne (St-Pons-de-Mauchiens, Sept-Fonts) et tout
au long de l’Antiquité (Balaruc, … etc.) (cf. Sternberg
1995, 119).
79. Meule circulaire en gneiss, très usée, sans doute
utilisée à des fins domestiques (non ill.).
Commentaires
L’image qui ressort du faciès du petit mobilier est,
comme toujours sur ce type de villa, assez mêlée : aux
mobiliers caractéristiques d’une exploitation agricole sont
ici associés des éléments qui évoquent la vie quotidienne
d’une population relativement aisée, en contact avec le
milieu urbain. La présence d’objets de tabletterie, qui
— 215 —
S. Mauné et al.
demeurent très rares sur les sites des environs à l’exception des villae les plus importantes, est à cet égard particulièrement révélatrice. Bien que la pars urbana n’ait pas
été touchée par les fouilles, quelques ustensiles en os touchent au mundus muliebris.
L’élément de charnière en os, par exemple, est le seul
objet tourné de cette petite série; on peut noter que le n°10
(sommet d’épingle ?) essaie probablement de reproduire,
assez maladroitement, les moulures qui auraient facilement pu être réalisées au tour, un instrument dont ne disposait évidemment pas le fabricant. Il faut donc s’interroger ici sur le rapport ville-campagne dans l’approvisionnement en tabletterie : seul l’élément de charnière peut
être considéré à coup sûr comme une importation urbaine.
Les seuls ateliers où cette production est bien attestée se
situent dans des contextes urbains (Narbonne, Nimes,
Vienne…)15, où on les fabriquait sans aucun doute en
étroite collaboration avec les menuisiers utilisant de telles
charnières. On a d’autre part retrouvé à Lieussac, dans un
contexte du plein IIIe s. (us 5051, inv. 994.41.1), un
témoin du travail de l’os, une ébauche élaborée à partir
d’une diaphyse ou d’une épiphyse, sans que l’on puisse
deviner quel type d’objet allait en être tiré (peut-être une
épingle).
Parmi les accessoires de la vie quotidienne, c’est évidemment la découverte d’une paire de broches à rôtir
(n°25-26), à la base du dépotoir, qui constitue l’apport le
plus spectaculaire. Ces objets semblent avoir perdu, au
début de notre ère, tout le prestige qui leur était associé en
Italie et dans l’ensemble du monde celtique aux siècles
précédents.
Parmi le mobilier témoignant d’activités économiques,
le poids de l’agriculture est très certainement occulté par
le prix attaché dans une société traditionnelle aux outils
agraires, objets de prix dont chaque utilisateur prend le
plus grand soin (Feugère et al. 1992, 67). S’il ne faut donc
pas s’attendre à retrouver ici les outils eux-mêmes, c’est
probablement à l’entretien de ces outils que renvoie toute
une série d’aiguisoirs, galets naturels peu ou pas modifiés
par l’homme (n°66-72), mais dont la présence ne peut
s’expliquer sur le site que par un choix et un apport
anthropiques.
On notera, enfin, l’importance de la pêche, pratiquée
ici à la ligne ou au filet (n°724-78), ce qui confirme l’exploitation halieutique du fleuve tout proche (bien que le
seul reste d’ichtyofaune identifié appartienne à une daurade, poisson attesté en mer mais aussi dans l’Étang de
Thau : v. infra). Le site a livré d’autre part, en surface ou
dans d’autres contextes, une dizaine d’autres plombs de
filets analogues à ceux de cet ensemble. Ces témoins illustrent la recherche d’un apport alimentaire, une démarche
naturelle dans le cadre de l’économie rurale. Cette pratique ne semble pas avoir constitué ici, à la différence de
ce qui se passe sur le littoral (Sternberg 1995), une source
de revenu véritablement complémentaire des activités
agraires ou pastorales. Le mobilier de ce seul dépotoir ne
permet cependant pas une analyse précise qui demeure
même délicate, faute de documentation, sur l’ensemble du
site. On se contentera de préciser ici que les vestiges liés
à la pêche sont répandus sur plusieurs sites antiques des
environs, quelle que soit leur proximité à la mer.
L’analyse du petit mobilier des fouilles rurales souffre,
généralement, des limites imposées par le caractère limité
des séries disponibles. Lieussac ne fait pas exception à la
règle et malgré l’intérêt de certaines trouvailles, il est difficile de pousser très loin l’exploitation de données aussi
dispersées. L’intérêt de ce mobilier vaut par l’éclairage
précis, grâce à la datation stratigraphique, qu’il nous
donne sur certains aspects de la vie domestique souvent
peu documentés par d’autres sources. Il est donc particulièrement intéressant de rapprocher ces informations de
celles qui résultent d’autres approches, notamment celles
qui sont effectuées à partir des restes alimentaires.
5. La faune
- Les restes osseux de vertébrés16
Les ossements animaux contribuent à la connaissance
de la nature et du mode de formation du dépôt. Ils fournissent en même temps quelques éléments sur l’utilisation
des animaux par les occupants du site.
Bien entendu l’unicité de l’observation rend provisoires et très conditionnelles les interprétations finales17.
15 Narbonne : R. Sabrié in Bilan scientifique 1993 (SRA, DRAC Languedoc-Roussillon), 51-52 et fig. 7; Nimes : Feugère 1993, 270; Vienne : Vassy
1922. Voir également l’atelier de Oulho (Gabian, Hérault) installé à proximité de l’agglomération secondaire de Roujan (Depeyrot, Feugère,
Gauthier 1986) où bien encore celui, inédit, de l’Auribelle-Basse à Pézenas (Hérault).
16 Nos remerciements vont à M. Sternberg pour l’identification des restes de poisson, à J.D. Vigne pour celle des restes des petits mammifères et à I.
Rodet-Belarbi pour ses remarques constructives.
17 Le dénombrement des restes se fait par simple comptage aboutissant à un Nombre de Restes (NR). L’âge est appréhendé de trois façons différentes.
La population globale est répartie en trois groupes : «infantile» correspondant aux très jeunes animaux (agneau, veau, etc), «juvénile» correspondant aux animaux en phase de croissance mais qui n’ont pas atteint une taille définitive, «adulte» correspondant aux animaux ayant acquis une
taille à peu près définitive et une conformation osseuse mature. Cette répartition quantitative qui repose sur le Nombre Minimum d’Individus
(NMI) « de comparaison», est ensuite semi-qualitativement détaillée à partir de l’analyse d’une part des éruptions et usures dentaires (Silver 1969),
d’autre part des soudures des surfaces articulaires (épiphysation) des os longs chez les adultes (Curgy 1965).
La conservation différentielle des organes du squelette repose sur deux dénombrements appliqués par catégorie d’âge. Deux taux de conservation
sont calculés. Le premier, dit de Conservation Brute (TCB), est la part prise par le nombre de restes de chaque os dans le total des restes par espèce rapportée à une base 100 qui correspond à l’os le plus fréquent. Le second, dit de Conservation Relative (TCR), se fonde sur le Nombre d’Os
Initiaux (NOI), nombre maximal d’os à l’origine des restes. Il est ensuite pondéré par un coefficient correspondant au nombre d’organes présents
par demi-squelette (1/1 pour le sacrum, 1/1 pour le tibia ou le métacarpe le plus fréquent, 1/4 pour les phalanges proximales antérieures et postérieures réunies, etc). Le taux est ensuite calculé de même façon que le Taux de Conservation Brute. La quantification des apports carnés est approchée par trois méthodes : le poids d’ossements par espèces, le poids de viande (Columeau, 1991), les Unités Viande (Audoin-Rouzeau, 1983). Les
données ostéométriques sont recueillies et symbolisées suivant les standards définis par von den Driesch (1976).
— 216 —
Consommation et approvisionnement culinaires dans la région de Beziers au IIIe s.
5-1 Présentation du matériel
Le ramassage des restes osseux s’est fait manuellement, à vue, sans tamisage. La petitesse de certaines
pièces indique que les pertes d’informations sur les éléments non microscopiques doivent être faibles.
Sept cent vingt et un vestiges fauniques ont été collectés (fig. 12). Dans l’ensemble ils sont bien conservés :
34,6% d’indéterminés seulement. Le sol a peu altéré la
matière osseuse. Seules les racines des végétaux ont entamé les surfaces : cette attaque ne concerne que certains
ossements, probablement ceux de la zone supérieure ou de
zones peu protégées de la couche. De nombreuses diaphyses d’os longs sont éclatées : on compte 105 esquilles
pour un total de 250 indéterminés. Ces fractures semblent
anciennes puisque leurs surfaces portent souvent les stigmates des radicelles. Elles peuvent être attribuées à trois
facteurs différents qui ont probablement interféré (fig.
13) : le piétinement, la manipulation du sédiment ; le travail boucher qu’illustrent les 20% d’os portant les traces
d’un instrument coupant ; l’action des détritivores (chien
probablement) avant ou pendant la durée du dépôt, mais
avant le recouvrement par l’us 5028, action mise en évidence par les 8 à 15% de pièces mâchonnées. Les marques
de rubéfaction ou de carbonisation sont exceptionnelles.
NR total
instrument coupant
NR
(sections, stries)
%
détritivores
NR
(empreintes de dents)
%
brûlure
NR
%
ovicaprinés
173
37
21,4
23
13,3
1
0,6
porc boeuf
86
99
18
22
20,9 22,2
7
15
8,1
15,2
Fig. 13 — Dénombrement de certaines traces (dents isolées exclues).
tiles possèdent les caractéristiques des agneaux (Payne
1985). Peu de pièces nous renseignent sur le sexe des
adultes. Un os frontal dépourvu de pivot osseux peut provenir du crâne d’une brebis. L’examen de 3 os coxaux
révèlent la présence d’un mâle et de 2 femelles dont une
serait une brebis. L’existence de pièces de grand format
évoque le bélier (1 scapula, 1 humérus) ou le bouc (1
métacarpe).
Mouton
Chèvre
NR oc mb sp hu ra mc cx ti ta mt at total
3 1 2
2 2 1 5 2 2
20
?
3 2 3
1
2 1 12
1 2
1
4
%
55,6
33,3
11,1
5-2 Les espèces
Fig. 14 — Dénombrement des restes spécifiquement déterminés de mouton et de
chèvre (pour la légende, v. fig. 18).
Les ovicaprinés
Les pièces attribuées à la chèvre (Boessneck 1969) sont
rares par rapport à celles du mouton : 11% NR spécifiquement déterminés (fig. 14). Les animaux adultes sont
les plus nombreux (fig. 15). Les mâchoires (fig. 16a),
comme les os longs (fig. 17a), montrent qu’ils se répartissent dans toutes les classes d’âges avec deux petites
concentrations, jeunes adultes autour de 2 ans et adultes
de réforme autour de 6-7 ans. Les mandibules des infan-
Ovicaprinés
Porc
Boeuf
Cerf
Lièvre
Lapin
Mustélidé
Rat noir
Oiseaux
Poisson
sous total
Vertèbres
Côtes
Indéterminés
Total
NR
170
86
90
1
1
47
1
3
14
1
414
15
42
250
721
%
41,1
20,8
21,7
0,2
0,2
11,4
0,2
0,7
3,4
0,2
57,4
2,1
5,8
34,7
100
Les mesures enregistrées sur ces derniers ossements
sont en effet dans les valeurs les plus fortes du large
échantillon gallo-romain de Marseille-Bourse (Jourdan
1976). Les autres mesures s’inscrivent dans les intervalles
de variations de la période gallo-romaine. Deux talus permettent une évaluation de la taille au garrot des moutons :
68 et 70 cm (coefficient 22,68; Teichert 1975), valeurs
fortes mais normales s’il s’agit de mâles non castrés. Les
jeunes animaux sont représentés par les mâchoires principalement. Les rares os longs sont peut-être ceux qui ont
échappé aux dents des détritivores. Cette observation se
retrouve au sein de chaque espèce. En conséquence, la
conservation différentielle du squelette ne sera pas abordée chez les infantiles et juvéniles. Chez les adultes, 4
organes sont bien conservés, la mandibule, le radius, le
tibia et le métatarse (TCR supérieur à 60 %) (fig. 18). Les
côtes qui semblent abondantes au vu du nombre de restes
sont en fait très mal conservées. Les principaux autres
infantiles (inf)
juvénile (juv)
adulte (ad)
Fig. 12 — Dénombrement des vestiges fauniques (côtes, vertèbres autres qu’atlas, axis et sacrum ne sont pas incluses dans le NR des espèces).
Ovicaprinés
NMI
%
2
18,2
1
9,1
8
72,7
Porc
NMI
%
1
16,7
1
16,7
4
66,7
Boeuf
NMI
%
1
25
3
75
Lapin
NMI
%
2
5
28,6
71,4
Fig. 15 — Age de mortalité des principales espèces par classes d’âges (en NMI :
nombre minimum d’individus).
— 217 —
S. Mauné et al.
inf m1m1+/- ; m1 +/o
juv m1+, m2m2+/m2+, m3ad p4+/-, m3+/p4+/o, m3+/o
p4+, m3+
p4++, m3++
p4+++, m3+++
p4T, m3T
< 3m
≈ 3m
3 < 9m
≈ 9m
9 < 18m
18 < 24m
18 < 24m
2 < 3a
4 < 5a
6 < 7a
> 7a
total
NR
1
1
NR
inf
jv
2
1
1
2
1
1
4
1
15
≤ 6m
6 < 9m
6 < 9m
9 < 12m
12 < 15m
≈ 15m
15 < 18m
15 < 18m
18 < 21m
21 < 24m
2 < 4a
total
m1- ; m1o/m1+/o, m2m1+, m2m2 o/- ; m2+/o
p4-, m2+, m3p4o/-, m2+, m3p4+/o, m2+, m3p4+, m2+, m3m3o/m3+/o
m3+
ad
1
1
1
1
1
1
1
7
Fig. 16 — Mortalité d’après les mâchoires (-, dent non sortie; o/-, dent en éruption; +/o, début d’usure; +, ++, +++, degré d’usure croissante; T, arasement; d’ap. J.
Peters, communication orale).
18 mois
ti d
mc, mt d
2,5 ans
ca
3,5 ans
hu p, ra d
ul, fe, ti p
4,5 ans
cx is il
<
≈
>
<
≈
>
<
≈
>
<
≈
>
NR
2
6
2
2 ans
ti d, p1
mc, mt d
2,5 ans
ca
2
1
1
NR
1
1
1
<
≈
>
<
≈
>
<
≈
>
<
≈
>
3/3,5 ans
hu p, ra d
ul, fe, ti p
4 ans
cx il is
NR
2 ans
p1
2,5 ans
ti d
mc, mt d
3 ans
ca
1
3,5/4 ans
hu d, ra d
ul, fe, ti p
<
≈
>
<
≈
>
<
≈
>
<
≈
>
4
3
2
1
1
Fig. 17 — Mortalité des adultes des principales espèces par l’épiphysation des os longs (épiphysation : <, non débutée; =, en cours; >, totalement achevée) (articulation : p, proximale; d, distale).
os crâniens
maxillaire
mandibule
hyoïde
atlas
axis
cervicales
thoraciques
lombaires
sacrum
caudales
scapula
humérus
radius
ulna
carpe
métacarpe
coxal
fémur
tibia
fibula
talus
calcanéum
métatarse
phalange 1
phalange 2
phalange 3
côtes
oc
mx
mb
hy
at
ax
vc
vt
vl
sa
vk
sp
hu
ra
ul
cp
mc
cx
fe
ti
fi
ta
ca
mt
p1
p2
p3
cô
NOI
3
6
8
2
2
4
8
4
7
7
10
4
6
3
3
13
2
10
1
9
Ovicaprinés
n1/2 TCR
NR
1
23,1
9
1
46,2 14
1
61,5 17
1
15,4
2
1
15,4
1
1
30,8
2
5
13
4,7
6
6
5,1
2
1
16
1
53,8
8
1
53,8 11
1
76,9 23
1
30,8
7
1
1
46,2 12
1
23,1
6
1
23,1
4
1
100 19
1
1
15,4
2
1
0
1
76,9 17
4
1,9
1
4
4
13
5,3 20
TCB
39,1
60,9
73,9
8,7
4,3
8,7
NOI
2
3
5
26,1
8,7
2
2
34,8
47,8
100
30,4
2
6
52,2
26,1
17,4
82,6
8,7
0
73,9
4,3
87
2
1
1
1
4
3
2
1
1
1
9
n1/2
1
1
1
1
1
1
5
14
6
1
20
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
4
4
4
28
Porc
TCR
33,3
50
83,3
NR
5
8
21
TCB
23,8
38,1
100
2,4
5,6
1
1
4,8
4,8
33,3
100
8
7
38,1
33,3
33,3
16,7
16,7
16,7
66,7
50
33,3
2
1
2
3
10
6
2
9,5
4,8
9,5
14,3
47,6
28,6
9,5
NOI
3
1
5
1
2
4
1
1
3
3
2
3
1
2
1
2
16,7
4,2
4,2
1
1
1
4,8
4,8
4,8
1
2
3
5
3
5,4
15
71,4
4
n1/2
1
1
1
1
1
1
5
13
6
1
18
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
4
4
4
13
Boeuf
TCR
60
20
100
NR
8
2
11
TCB
72,7
18,2
100
4
3,1
13,3
20
1
2
4
2
9,1
18,2
36,4
18,2
20
60
60
40
60
20
40
20
40
2
4
5
2
3
2
6
2
7
18,2
36,4
45,5
18,2
27,3
18,2
54,5
18,2
63,6
20
40
60
25
15
1
2
8
5
3
9,1
18,2
72,7
45,5
27,3
6,2
7
63,6
NOI
1
4
2
7
4
4
3
2
8
1
n1/2
1
1
1
1
1
1
5
12
7
1
14
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
4
4
4
12
Lapin
TCR
NR
TCB
12,5
50
2
5
25
62,5
25
87,5
50
50
2
8
4
5
25
100
50
62,5
37,5
25
100
3
3
8
37,5
37,5
100
12,5
1
12,5
Fig. 18 — Conservation des éléments squelettiques des adultes des principales espèces (NOI, nombre d’os initiaux; n1/2, nombre d’os dans un demi-squelette; TRC,
taux de conservation relative; NR, nombre de restes; TCB, taux de conservation brute).
— 218 —
Consommation et approvisionnement culinaires dans la région de Beziers au IIIe s.
déficits sont ceux de la colonne vertébrale et des extrémités des membres (phalanges).
Les traces de découpe sont nombreuses mais ne présentent ni originalité ni standard, constatation retrouvée
chez le porc ou le boeuf. Comme très souvent en période
gallo-romaine, aucun os long n’est intact. Seul le radius
présente une particularité : il est presque toujours fendu
longitudinalement dans un plan antéro-postérieur
médian : il est difficile d’attribuer ce résultat à un seul des
trois facteurs d’éclatement des diaphyses évoqués au
paragraphe 2.1.
Les suidés
Aucun reste de grande dimension n’évoque une éventuelle présence du sanglier (Sus scrofa); des spécimens de
taille réduite peuvent être présents mais demeurent indécelables. Les mesures enregistrées sont conformes à celles
du site de Marseille-Bourse. Un métacarpe 3 fournit une
hauteur au garrot de 75 cm (Teichert 1969; coefficient
10,72 légèrement surévaluateur, (Boessneck et al. 1974,
Forest 1987). Les âges de mortalité sont bas (fig. 15).
Aucun indice d’animal de plus de 2 ans n’est observé (fig.
16b, 17b). Les canines appartiennent à 2 femelles et à 2
mâles.
Le profil de conservation différentielle du squelette est
proche de celui des ovicaprinés avec ici une déficience
supplémentaire en métapodes et une sous-représentativité
des jambonneaux (radius-ulna, tibia) (fig. 18).
Surprenante est l’absence totale de radius alors que des
ulnas sont présentes: ces deux os sont en effet étroitement
liés anatomiquement.
Le boeuf
Les restes osseux et dentaires proviennent d’animaux
ayant atteint leur taille définitive (fig. 15, 17c). Quelques
pièces appartiennent à des animaux très jeunes, dont au
moins un infantile reconnu par une prémolaire 4 lactéale
inférieure non usée. Les autres fragments mandibulaires
portent des prémolaires ou des molaires à usure plus ou
moins poussée orientant l’âge des animaux vers 4 à 8 ans,
voire plus pour un animal; il s’agit d’animaux de réforme.
Un pubis offre une conformation caractéristique de femelle.
Le format des animaux ne peut être apprécié que par
des mesures fragmentaires, aucune pièce n’étant entière.
A défaut de référentiel ostéométrique défini mesure par
mesure dans les travaux des auteurs qui ont écrit sur le
«grand boeuf» gallo-romain, il ne nous est pas possible de
signaler avec précision sa présence. Seule une ulna de très
forte taille évoque ce type d’animal. Les autres données
rejoignent celles obtenues sur les sites méditerranéens
français (Jourdan 1976; Columeau 1991)18. À la différence des ovicaprinés et des porcs, toutes les parties squelettiques sont représentées hormis les vertèbres, les côtes et
les mâchoires maxillaires (fig. 18).
Le lapin
La présence d’os de lapins (Oryctolagus cuniculus)
pose la question de la possible intrusion ultérieure de ces
animaux. Aucune connexion anatomique n’a été notée au
cours de la fouille. De plus l’absence totale d’éléments de
la colonne vertébrale et la très faible présence de bas de
pattes signent une sélection humaine quasi certaine (fig.
18). Enfin bien qu’aucune trace de découpe ne soit observable, les cassures assez systématiques d’os résistants
comme les humérus et surtout les tibias confirment cette
hypothèse.
Cette espèce bien représentée (47 ossements) se compose d’animaux adultes de taille assez proche de celle des
animaux de Lunel-Viel (Forest 1993). Bien que les
mesures soient comparables à celles du lapin de garenne
(forme sauvage), il est impossible de dire si ces animaux
ont été chassés ou élevés.
Les autres espèces
Le cerf (Cervus elaphus) est représenté par une phalange proximale peut-être de mâle du fait de sa taille
(Bosold 1968), le lièvre (Lepus capensis) par une mandibule, la fouine (Martes foina) ou la martre (M. martes) par
une moitié distale d’humérus.
Un humérus et deux tibias de rat noir (Rattus rattus)
(identifiés par J.D. Vigne 19) sont à signaler comme nouvelle découverte de cette espèce en période gallo-romaine.
Le contexte de découverte rend peu probable une contamination postérieure au dépôt.
La population aviaire est composée essentiellement de
poule. Quelques fragments de diaphyses ne semblent pas
pouvoir lui être attribués et sont restés indéterminés. En
revanche, une ulna de pigeon est clairement identifiée. Ses
mesures la rattachent au pigeon biset (Columba livia) ou
colombin (C. oenas) et non au pigeon ramier (C. palumbus), plus grand. Il est impossible de choisir entre la forme
domestique du biset, ses formes sauvage ou semi-élevée
en pigeonnier. Un fragment de coquille d’oeuf nous rappelle l’importance probable de cette production dans l’alimentation.
18 En fait il existerait une ambiguïté sur le terme de «grand boeuf gallo-romain». Certains archéozoologues dont l’auteur fait partie, ont cru que les
animaux ainsi désignés étaient de taille exceptionnellement grande par rapport à la moyenne des animaux gallo-romains connus. En fait à la lecture de certains travaux récents qui se sont attachés à le décrire (Lepetz, 1995), le «grand boeuf gallo-romain» apparaît simplement comme un animal de stature moyenne plus importante que celles des bovins de l’Age du Fer ou du Haut Moyen Age, mais grossièrement comparable à celles
des bovins néolithiques ou de la Renaissance. Sa «grandeur» est donc toute relative. Il serait donc préférable de parler de bovin gallo-romain, de
boeuf gaulois, de boeuf médiéval et de réserver le vocable superlatif de «grand boeuf» aux individus de très haute taille qui se rencontrent parmi
ces populations.
19 URA 1415 du CNRS, Muséum national d’Histoire Naturelle, Laboratoire d’Anatomie Comparée, Paris.
— 219 —
S. Mauné et al.
Enfin un prémaxillaire de daurade royale (Sparus
aurata L.) (identifié par M. Sternberg 20) est le seul reste
de poisson rencontré (v. supra les instruments de pêche
retrouvés dans le même dépotoir).
mique est caractéristique d’un mode particulier de formation des assemblages osseux spécifiques. La réponse sera
apportée par l’accumulation des observations glanées lors
des études ultérieures.
5-3 Interprétation
Ossements et consommation carnée
Conservation
Le déficit en ossements d’animaux juvéniles peut
éventuellement s’expliquer par l’action spoliatrice des
détritivores qui a pu s’exercer aussi sur les oiseaux. Mais
il est curieux de constater l’importance des restes de lapin
comparables par la taille à ceux de poule. De même, les os
de porc sont moins marqués que ceux d’ovicaprinés (fig.
13) alors qu’ils sont morphologiquement proches et donc
devraient être traités de la même façon par les détritivores.
À moins que ces derniers n’aient des préférences gustatives. On peut remarquer aussi que les ossements de boeuf
et d’ovicaprinés sont autant attaqués (fig. 13) bien que
ceux d’ovicaprinés de format plus faible auraient pu être
facilement emportés. Ces constatations contradictoires ne
permettent pas de cerner avec précision l’impact des détritivores. En conséquence, pour pouvoir interpréter le matériel osseux, il faut admettre qu’il est identique sur chaque
espèce.
Nature du dépôt
Si dans les principales espèces les animaux particuliers
(veaux, boucs et béliers) se retrouvent dans la plupart des
régions anatomiques, il n’en reste pas moins que beaucoup
de pièces de leurs squelettes manquent. Cette impression
ressort de manière plus diffuse de l’ensemble du matériel,
par exemple l’absence de radius de porc précédemment
soulignée. Ces absences peuvent correspondre à l’action
des détrivores ou indiquer la consommation préférentielle
de certains morceaux ou demi-morceaux. Il est aussi possible que ce dépôt corresponde au transfert partiel, pour
remblais, d’un dépotoir plus important.
La sélection des pièces osseuses s’est effectuée de
façon identique pour les ovicaprinés, le porc et le lapin.
Globalement colonne vertébrale, thorax et extrémités distales des membres n’ont pas été déposés dans l’us 5030.
La préparation des animaux s’est faite en plusieurs
étapes : le dépôt reflète pour ces espèces un traitement
secondaire à un débitage de la carcasse en quartiers. Il
concerne des têtes et des membres dépourvues de leurs
extrémités distales. Pour le boeuf, il semblerait que les
extrémités des pattes et le sacrum soient demeurés attenants aux membres. Cette opération de découpe de quartiers porteurs de viande (épaule, cuisse, jarret) peut précéder des préparations culinaires. Ces conclusions issues de
l’emploi des taux de conservation restent limitées par la
petitesse de l’échantillon. De plus un référentiel étoffé
manque encore pour dire si ce type de répartition anato-
Les conclusions précédentes permettent d’utiliser les
ossements pour évoquer quelques aspects de l’alimentation carnée. L’appréciation des quantités de viande fournies se fait à partir des restes de la triade domestique —
ovicaprinés, porc et boeuf— (fig. 19). Il ne s’agit pas ici
de fournir des résultats au pourcentage près, ce qui n’aurait aucune signification étant donné les nombreuses
incertitudes qui planent sur ces méthodes d’évaluation,
mais d’esquisser des tendances. Le boeuf fournirait un
peu plus de 50% de la viande, le porc et les ovicaprinés un
peu moins de 25 % chacun. La part du lapin et des oiseaux
est importante mais à notre avis ne peut être appréciée par
ces méthodes quantitatives. Les autres espèces (cerf,
lièvre, daurade) sont trop anecdotiques pour être incorporées à ce bilan.
Les caractères des animaux consommés se révèlent
assez quelconques. Le porc est consommé à son âge habituel, entre 1 et 2 ans. Les ovicaprinés ne montrent aucun
choix ciblé d’animaux, si ce n’est la présence de mâles
apparemment non castrés dont la viande forte n’est pas un
critère actuel de succulence. L’abattage de bovins âgés,
l’absence de cerf, la pauvreté relative du spectre aviaire
sont autant de critères qui, ajoutés aux précédents, définissent un régime de qualité moyenne.
Restes et élevage
Sur un aussi faible échantillon il est hasardeux d’extrapoler vers une description d’élevage. Les courants commerciaux et transports d’animaux, les particularismes des
sites locaux languedociens gallo-romains, ne permettent
pas d’utiliser les résultats recueillis pour une telle
approche (Forest 1995, à par.).
Ovicaprinés
Porc
Boeuf
Ovicaprinés
Porc
Boeuf
Poids os Poids Viande
(mg)
(kg)
1230
160
710
241
2370
650
%
%
28,5
15,2
16,5
22,9
55
61,8
Unité Viande
9,5
10
21
%
23,5
24,7
51,9
Fig. 19 — Apport théorique en viande des principales espèces par trois
méthodes.
20 Chercheur associé à l’UMR 5140 de Lattes (Hérault).
— 220 —
Consommation et approvisionnement culinaires dans la région de Beziers au IIIe s.
Période ap.J.C.
Ovicaprinés
Porc
Boeuf
total triade
Cerf
Lapin
Oiseaux
Lieussac
230/260
NR
%
170
49,1
86
24,9
90
26
346
100
1
0,3
47
12
14
3,9
Loupian
200/400
NR
%
242
56,5
102
23,8
84
19,6
428
100
22
4,9
77
15,2
17
3,8
Lunel viel
200/250
NR
240
241
134
615
34
125
14
%
39
39,2
21,8
100
5,2
16,9
2,2
250/350
NR
%
333
48,4
212
30,8
143
20,8
688
100
55
7,4
194
22
18
2,5
Fig. 20 — Comparaison régionale d’ensembles fauniques contemporains (principales espèces en NR (cerf, lapin et oiseaux sont rapportés indépendamment les uns des
autres au NR total de la triade ovicaprinés, porc, bœuf; les restes de Lunel-Viel sont le cumul de ceux comptés par P. Columeau et nous-même).
Comparaisons régionales
Nous nous limiterons ici aux sites du Bas Languedoc
oriental de même datation et de même environnement
rural : villa des Prés-Bas à Loupian (Columeau 1991),
agglomération de Lunel-Viel (Columeau 1990; Forest
1993). Le site de Lieussac rejoint ces deux autres sites en
livrant une majorité de restes d’ovicaprinés (fig. 20). En
revanche il compte un nombre plus important de restes de
boeuf qui dépassent légèrement ceux de porc alors qu’ils
sont en retrait à Loupian et plus encore à Lunel-Viel.
Lieussac confirme la forte poussée des restes de lapin
en milieu rural durant la période gallo-romaine en
Languedoc, fruit du développement d’un élevage ou de la
chasse ? (Gardeisen et al, inédit). L’avifaune est pauvrement représentée sur tous les sites. À Lunel-Viel comme à
Lieussac se rencontre du pigeon. Alors qu’à Lunel-Viel et
Loupian le cerf est bien présent, il est quasiment absent à
Lieussac. Il s’agit d’une particularité à confirmer car il
semblerait qu’aux III et IVe siècles les villae fournissent
fréquemment des restes de cerf (Gardeisen et al., à par.;
Forest 1995 ; à par.).
Compte tenu des variations individuelles des échantillons on peut conclure que pour l’instant, Lieussac s’apparente à Loupian et Lunel-Viel, groupe de sites qui diffèrent nettement des sites urbains nîmois (Columeau
1991; Gardeisen 1993a, b; Forest 1995, à paraître)
Conclusion
Le dépôt 5030 de Lieussac livre une faune principalement composée en nombre de restes par les mammifères
domestiques de rente, mouton, chèvre, porc et boeuf et par
la poule. Les espèces sauvages sont très rares, hormis le
lapin au statut mal défini.
En tant que reflet potentiel de l’alimentation, cet échantillon indique une domination du boeuf dans l’apport
carné et une équivalence du porc et du mouton. Poule et
lapin apporte un complément non négligeable.
Les critères qualitatifs de ce régime ne plaident pas en
faveur d’une grande sélection des animaux consommés
mais indiquent plutôt l’acceptation du tout venant. En
ajoutant à cette constatation l’absence de cerf, l’us 5030
ne semble pas refléter une consommation de milieu privilégié. C’est ce qui différencie Lieussac des autres sites
ruraux du bas Languedoc oriental dont il se rapproche
pourtant par une majorité de restes d’ovicaprinés.
Ces remarques fort ponctuelles apportent de nouveaux
éléments dans la connaissance du monde gallo-romain
languedocien, notamment dans la vallée de l’Hérault dont
les faunes sont peu connues. Elles demeurent soumises
aux variations d’interprétation qu’exigeront les futures
découvertes archéologiques.
5-4 Les coquillages marins (fig. 21)
Les coquillages marins mis au jour dans le dépotoir
aménagé dans la pièce 7 sont peu nombreux (63 exemplaires NMI) mais leur situation dans un dépotoir très vite
comblé, sans matériel résiduel important, leur donne un
caractère scientifiquement intéressant, d’une image ponctuelle d’une situation habituelle.
Deux espèces se partagent la quasi-totalité, huîtres et
pétoncles ou picholines, Ostrea lamellosa Brocchi 1814 et
Proteopecten glaber (L. 1766), avec chacune 47,61%. Les
trois autres espèces ne sont représentées que par un seul
exemplaire, moule, mactre et grosse coque, Mytillus galloprovincialis Lmck 1819, Mactra glauca Born 1778 et
Espèces
Mactra glauca Born
Mytillus galloprovincialis Lmck
Ostrea lamellosa Brocchi
Proteopecten glaber (L.)
Rudicardium tuberculatum (L.)
NMI
%
1
1,58
1
1,58
30 47,61
30 47,61
1
1,58
Fig. 21 — Répartition en Nombre Minimum d’Individus et en pourcentages des
différentes espèces de coquillages marins de l’ensemble 5030 de la villa de
Lieussac.
— 221 —
S. Mauné et al.
Rudicardium tuberculatum (L. 1758), soit 1,58% de l’ensemble. Toutes ces espèces sont des comestibles de bonne
qualité mais on peut se poser la question de savoir si les
coquillages faiblement représentés ne sont pas des fragments transportés avec autre chose, des algues qui entouraient huîtres et pétoncles pendant leur transport. Ceux-ci
viennent d’eaux marines de faible profondeur, de l’étang
de Thau voisin fort probablement, où ils vivaient dans
l’Antiquité en grande quantité (voir par exemple la masse
énorme des coquillages issus des fouilles de la villa des
Près-Bas à Loupian ou de Balaruc-les-Bains).
Ces coquillages ont été collectés alors que leur taille
était celle de coquillages adultes, ayant eu le temps de se
reproduire. Certains pétoncles avaient même une taille
supérieure à la normale (6,6 cm * 6,5 cm). Trois exemplaires d’huîtres ont le sommet présentant une sorte de
cavité plus ou moins rectiligne, le négatif de l’objet sur
lequel elles avaient poussé. Avec les points d’ancrage
encore visibles près de l’umbo et les blocs de 2 exemplaires soudés ensemble, on peut affirmer que ces huîtres
ont reçu une aide pour se fixer pendant leur croissance,
comme les huîtres des Près-Bas à Loupian.
Huîtres et pétoncles ont été retrouvés, à Lieussac, dans
la même proportion. Mais ce n’est pas la règle dans la
région. A la même époque, les huîtres atteignent plus de
90% des coquillages aux Près Bas de Loupian, les
pétoncles ne représentant qu’un pourcentage assez faible,
inférieur à 5%. Cette «anomalie» de Lieussac est peut-être
due à la fonction précise de leur lieu de trouvaille, un
dépotoir. L’étude des coquillages retrouvés sur les sols de
la villa aurait donné, peut-être, une variation dans les proportions des deux espèces. Même différentes, ces proportions rappellent davantage les habitudes alimentaires des
habitants de la Provence (Brien-Poitevin 1993), beaucoup
moins celles des Languedociens (sites de Lunel-Viel et
Lunel 300, Loupian) où les espèces retrouvées sont plus
variées).
À la différence des habitants de Loupian, ceux de
Lieussac ont consommé leurs coquillages plutôt cuits. Les
pétoncles présentent peu de traces d’ouverture à cru, sur
deux exemplaires seulement, mais la face interne de la
coquille a encore souvent un aspect nacré qui indique un
passage rapide dans une source de chaleur : s’agirait-il de
marques laissées par l’eau chaude dans laquelle auraient
été plongés les pétoncles ? Cette pratique a déjà été repérée, à la même époque, à Lunel 300, alors qu’elle n’existait pas à Lunel-Viel (Brien 1990) et plus tôt à Ambrussum
(Brien 1989). Près de la moitié des valves d’huîtres présentent la trace très visible d’une carbonatation du fait
d’un passage à une chaleur plus intense, ce qui a entraîné
la modification de la valve. Ce mode d’ouverture se
retrouve sur les sites non immédiatement riverains de
l’étang, à Lunel 300 par exemple alors qu’à Loupian PrèsBas ou à Balaruc, on ouvrait, comme les écaillers
modernes, avec une pointe qui a laissé des traces encore
bien visibles.
Malgré la proximité de l’étang de Thau, les coquillages
de Lieussac rentrent plutôt dans la série des sites non riverains de l’étang, surtout par les techniques d’ouverture.
Mais le dépotoir de cette villa, du fait de son comblement
rapide, montre bien l’importance des coquillages marins
dans l’alimentation de cette époque ainsi que la variété
des préparations culinaires selon les régions.
6- Conclusion
Le dépotoir de la pièce 7 représente l’ensemble stratigraphique le plus important dont on dispose pour le
moment sur la villa gallo-romaine de Lieussac à
Montagnac. Il ouvre une fenêtre sur une période chronologique mal définie du point de vue régional alors que la
villa a connu une occupation de plusieurs siècles dont le
détail ne nous est pas connu de manière précise. C’est
donc par rapport à la situation régionale, plus qu’à l’histoire du site, que l’on peut établir des comparaisons utiles,
même si les ensembles comparables ne sont pas nombreux dans l’état actuel de la documentation. C’est sans
doute ce qui explique l’aspect novateur de plusieurs
découvertes apparues au cours de cette étude.
Au plan céramologique, tout d’abord, des formes nouvelles, ou connues jusqu’alors à l’état de simples fragments, peuvent être désormais observées dans leur
ensemble. C’est le cas, pour la céramique brune orangée
biterroise, de la jatte à lèvre biseautée type B2, copie de la
forme Hayes 14 (fig. 6, n°4) et de l’imitation du plat africain Hayes 181 (fig. 6, n°18). Le caractère principalement
local de l’approvisionnement en céramique domestique,
vases de cuisson mais aussi vaisselle de table, constitue
également un apport non négligeable pour l’histoire économique de la région. Une nouvelle catégorie de céramique culinaire a également pu être mise en évidence ; la
céramique commune réductrice polie micacée qui semble
pouvoir être désormais utilisée comme un solide traceurchronologique pour le IIIe s.
La série des petits objets, très réduite, illustre le faciès
d’un important établissement rural et permet de préciser
ce qu’a pu être la vie quotidienne à Lieussac. L’étude de
la faune et des coquillages montre que l’alimentation était
conforme aux usages de l’époque, c’est-à-dire adaptée
aux ressources locales tout en faisant appel, lorsque cela
était possible, à des compléments d’origine plus lointaine.
Si on ne chasse pas, on ne dédaigne pas pour autant la
pêche dans le fleuve tout proche. La relative abondance
des bovins est à mettre en relation avec les quelques
exemplaires de sonnailles en fer retrouvées sur le site, à
toutes les époques. Quant aux coquillages, sans doute
apportés de l’Étang de Thau distant d’une douzaine de
kilomètres, on les préfère cuits, laissant la consommation
d’huîtres crues aux habitants installés à proximité immédiate de l’étang.
— 222 —
Consommation et approvisionnement culinaires dans la région de Beziers au IIIe s.
Annexe 1
Inventaire des petits objets du dépotoir, classement par numéro d’inventaire
994.36.2
994.36.3
994.36.1
994.37.7
994.37.8
994.37.11
994.37.12
994.37.13
994.37.15
994.37.16
994.37.17
994.37.18
994.37.19
994.37.20
994.37.21
994.37.22
994.37.23
994.37.24
994.37.25
994.37.26
994.37.27
994.37.28
994.38.2
994.38.4
994.38.5
994.38.6
994.38.7
994.38.8
994.38.9
994.38.10
5030
5030
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Boule creuse (bulla ??) en tôle de bronze
Poids de filet en plomb
Hache polie néol. ou chalcolithique en roche verte
Fragment d’aiguisoir en pierre rosée
Fragment d’aiguisoir en pierre rosée
Grande broche à rôtir, tête losangique, L. 76cm
Grande broche à rôtir, brisée, L. act. 47 + 24,5cm
Clé à panneton brisé
Médaillon de lampe du Haut-Empire, 2 feuilles
Fragment de lampe à bec rond, oves
Plomb de filet, cylindrique
Bouton circulaire, émaillé
Poucier de couvercle de cruche (“Blechkanne”),
en f. de dauphin
Fragment de bague-serpent, anneau ouvert
Plaque carrée à 4 clous en fer à tête de bronze
Fragment de charnière de meuble, cylindrique
Epingle en os
Epingle en os
Sommet d’objet en os, mouluré, non tourné
Fût d’objet (curette type Béal A.XXIV.2a ?) en os
Hameçon en bronze, brisé aux deux extrémités
Fût de très fine épingle en os, tyep Béal A.XX.6 (?)
Jeton découpé dans une panse de grande cruche
Plomb cylindrique, pour filet de pêche
Plomb cylindrique, pour filet de pêche
Plomb cylindrique, pour filet de pêche
Valve percée de pecten
Epingle à tête subsphérique, type Béal A.XX.VIII
Epingle à tête subsphérique, type Béal A.XX.VIII
Cuiller à parfum, type Béal A.XXIV.2a
— 223 —
bronze
plomb
pierre
pierre
pierre
fer
fer
fer
terre cuite
terre cuite
plomb
bronze
bronze
bronze
bronze
os
os
os
os
os
bronze
os
terre cuite
plomb
plomb
plomb
coquillage
os
os
os
S. Mauné et al.
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